La rue Joseph de Maistre commence rue Lepic et file vers l'ouest sur presque un kilomètre.
Nous n'arpenterons aujourd'hui que la première partie, la plus montmartroise, qui va de la rue des Abbesses (croisement Lepic) jusqu'à la rue Caulaincourt.
Début de la rue . On voit la placette avec sur la droite la rue Lepic qui continue son ascension et sur la gauche la rue Joseph de Maistre.
L'artère joue les originales car on n'y trouve à son début que des numéros impairs (du 1 au 9), la partie droite appartenant à la rue Lepic.
L'espace entre les deux rives porte pompeusement le nom de place Anne-Marie Carrière, chansonnière, comédienne abonnée aux navets de l'émission "Au théâtre ce soir". Femme fort sympathique mais on se demande ce qui est passé par la tête de nos élus pour lui donner une telle "place"!
Sur le plan de 1730 on peut voir à son emplacement un chemin de terre qui portait le nom de Chemin des Dames.La rue ne fut ouverte qu'en 1889 et s'appela rue de Maistre avant d'y adjoindre quelques années plus tard le prénom Joseph !
La rue doit son nom à un personnage qui détonne dans ce quartier qui abrita tant d'anarchistes et fut le théâtre héroïque et sanglant de la Commune. Savoyard opposé aux idées de 1789, Joseph de Maistre résista à l'invasion de la Savoie par les révolutionnaires et se réfugia à Turin. Ses idée conservatrices opposent le sens commun, la tradition et la foi au rationnalisme des Lumières. C'est pendant la Restauration qu'il trouve en France un accueil favorable, ses théories correspondant alors à celles de la monarchie revenue.
On peut se demander pourquoi une des plus longues rues du XVIIIème arrondissement continue de lui rendre hommage!
Le 7. Le Petit Café de Montmartre. Auparavant le Gavroche, bar appartenant à Joe Attia. (photo Roger-Viollet, Parisienne de photographie)
Le 7 est connu pour avoir été pendant des années le Gavroche, un bar qui appartenait à un voyou célèbre : Joe Attia!
La carrière de Joe Attia est faite d'ombres et de quelques lumières. Il est connu pour avoir été l'ami de Pierrot le Fou et avoir avec lui fait partie du Gang des Tractions avant.
Pendant la guerre il a eu un parcours étonnant puisque après avoir travaillé pour les nazis rue Lauriston, il s'est rapproché de la Résistance et a été envoyé à Mathausen où par son courage et sa volonté il a réussi à sauver plusieurs déportés.
Après ses incursions dans le grand banditisme, il a été employé comme barbouze par de Gaulle! On dit qu'il aurait participé à l'enlèvement de Ben Barka! Bref un drôle d'oiseau. Le petit café de Montmartre, mignon et impersonnel, semble avoir oublié qu'il appartint à un tel personnage!
Le 9 est un bel immeuble (1894) dû à l'architecte Henri Cambon. Les Montmartrois attentifs retrouveront son clone dans plusieurs rue de la Butte (entre autres rue Burq et rue André Del Sarte).
Henri Cambon s'est illustré avec un monument aujourd'hui disparu, l'Hippodrome de Montmartre remplacé d'abord par le Gaumont Palace d'architecture art-déco puis par le hideux ensemble Mercure-Ibis-Castorama-Flunch!
Par chance la Cité des arts Hégésippe Moreau dont il est l'auteur a survécu. C'était au XIXème siècle le plus important ensemble d'ateliers d'artistes de Paris.
Photo 1 :-Le hall de la Cité des Arts Hégésippe Moreau (Cambon). Photos 2 et 3 : premiers immeubles côté pair.
Côté pair quelques petits immeubles typiques ont été épargnés par le lotissement à outrance.
Le premier, le 2, abrite un restaurant pittoresque qui soigne son image villageoise un peu usurpée puisqu'il a été construit après le rattachement de Montmartre à Paris, au début du XXème siècle.
De l'autre coté, rue Lepic, Vincent Van Gogh a vécu chez son frère Théo.
A l'emplacement des 15 et 17 on pouvait voir en retrait l'Hôtel Lescalopier dans ses jardins. L'hôtel existe toujours mais c'est par la rue Constance et l'impasse Marie-Blanche que l'on peut l'apercevoir.
Edifié en 1835 en pleine époque romantique par le Comte de Lescalopier, la maison est décorée dans un style gothique flamboyant dont on peut voir aujourd'hui de beaux restes. Il y avait là des serres tropicales, un musée médiéval, une bibliothèque immense. Par chance l'hôtel maintes fois menacé a survécu!
Voir le détail de cette étrange demeure :Maison Lescalopier:
La rue longe ensuite le cimetière Montmartre (ce qu'elle continuera de faire sur plusieurs centaines de mètres après la rue Caulaincourt). C'est derrière ce mur que Dalida a élu domicile. Sa statue grandeur nature en pharaonne de music-hall, couronnée de soleil, ne cesse d'attirer ses admirateurs. L'un d'eux, le visage bleu (comme Pierrot le Fou) et douloureux a laissé son empreinte sur le mur!
On trouve ensuite le plus étoilé des hôtels de Montmartre, le Terrass Hôtel où Max Ernst et Hans Arp venaient fêter en voisins de la rue Tourlaque la vente d'une toile ou d'une sculpture.
On voit sur la carte postale le premier immeuble qui abrita l'hôtel avant d'être complété par un bâtiment qui fait l'angle entre les rues Joseph de Maistre et Caulaincourt.
Son restaurant fut appécié par de nombreux artistes et écrivains comme Colette, Michel simon ou Pierre Brasseur.
Présentation quelque peu "trafiquée" du Terrass Hôtel! La Tour *eiffel et le Sacré Coeur ont changé de place et l'étroite rue Joseph de Maistre a pris l'allure d'une grande avenue!