Le monument aux morts de Dolus est élevé sur une petite place paisible, animée aux heures scolaires par les enfants de l'école élémentaire.
Pas de soldat mourant ni de figure guerrière de Marianne brandissant le drapeau... Une femme enveloppée dans sa cape tient contre elle un enfant...
C'est une paysanne oléronaise coiffée comme elles l'étaient encore dans la première moitié du XXème siècle, de la kichenotte (ou quichenotte).
La coiffe qui protège du vent et du soleil est typique des îles charentaises. La légende prétend qu'elle tire son nom de l'anglais "Kiss me not", (ne m'embrassez pas) et qu'elle permettait grâce à leur auvent rigide de tenir à distance, pendant la guerre de Cent ans les sodats anglais trop entreprenants !
En réalité le mot qui désignait la coiffe des faneuses viendrait de "cuchon" qui signifiait "tas de foin" au Moyen-Âge et qui est toujours présent dans certains parlers régionaux.
...Mais la légende est plus belle! Et... sans conséquences pour les envahisseurs estivaux puisque les belles îliennes n'en portent plus!
La première guerre a prélevé un nombre impressionnant de jeunes hommes à Dolus.
Leurs noms sont gravés sur trois plaques de marbre.
Certaines familles ont été décimées, père, fils, cousins y sont réunis!
Famille Chailloleau, 5 morts.
Famille Nadeau, 7 morts
Famille Normandin, 8 morts...
Le doigt de la veuve est dirigée vers le casque du soldat tué et sur les lauriers du sacrifice.
On se rappelle malgré soi le film de Kubrick, longtemps interdit en France, Les Sentiers de la Gloire qui raconte la révolte des jeunes hommes embourbés dans les tranchées et envoyés sans discernement à la boucherie. Combien parmi ces jeunes oléronais sont allés mourir loin de leur île dans l'enfer bourbeux du nord?
L'orphelin baisse les yeux vers le sol et l'inscription : Souviens-toi.
Aujourd'hui cet enfant de la guerre de 14 repose lui aussi dans la terre. Je pense au poème de victor Hugo sur les morts en mer :
Le corps se perd dans l'eau le nom dans la mémoire Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire...:
Il y a bien des ressemblance entre l'océan aveugle où disparaissent les noyés et la terre épaisse où sont ensevelis les mourants.
Une autre plaque moins chargée de noms rappelle les morts de la deuxième guerre.
Une troisième, apposée au pied du monument, à droite, dissimulée en partie par les plantes, rend hommage au seul mort dolusien de la Guerre d'Algérie, quelques mois avant la fin du conflit.
Ce monument est à la fois hommage aux morts et dénonciation de la guerre.
Le visage douloureux de la veuve et celui interrogatif et sérieux de l'enfant expriment l'un et l'autre.
Le sculpteur chargé de réaliser le monument est un artiste qui vivait dans l'île d'Oléron, à Saint-Georges.
André Vincent (1898-1975) né au Raincy près de Paris était oléronais d'adoption et d'élection.
La commune de Dolus avait organisé un concours pour attribueer la commande du monument. Le devis pour la réalisation s'élevait à 7000F de l'époque! Il paraît que la maquette présentée par André Vincent fut tellement admirée et appréciée que le Conseil Municipal vota une gratification de 4000F pour le sculpteur.
Le monument fut inauguré le 16 décembre 1923. L'année suivant une maquette en plâtre fut envoyée à Paris où elle fut exposée au Salon de la société des Artistes Français.
Aujourd'hui, la veuve et son fils, figés dans un calcaire que le vent de noroît use et pâtine, regardent courir les enfants à la sortie de l'école.
La mère ne cesse de montrer du doigt le nom des jeunes dolusiens qui ont donné leur vie.... afin qu'aucun des enfants insouciants qui passent sur la place n'ait à donner la sienne
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