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.....L'île d'Oléron ne compte plus les navires qui dans le passé ont fait naufrage au large de ses côtes.
Le pertuis de Maumusson est une passe particulièrement difficile. Il porte bien son nom qui signifie mauvaise cachette ou mauvais refuge.
Certains naufrages sont restés dans les mémoires. Ainsi peut-on voir dans l'église de Saint-Trojan la proue de deux navires offerte en ex-voto par des rescapés.
L'André-Félix est un navire de 600 tonneaux qui avait quitté la Réunion pour rejoindre Bordeaux...
A l'approche de Cordouan, le temps est incertain et la visibilité mauvaise.
Le navire est déporté vers le nord et entraîné par les courants puissants du pertuis.
Il vient s'échouer sur la grande plage de Saint-Trojan.
Un homme d'équipage se jette à la mer mais à cet endroit les vagues sont fortes et les courants se contrarient. Il ne parvient pas à atteindre le rivage et se noie sous les yeux des Saint-Trojanais accourus sur la plage.
Nous sommes le 14 février 1847.
Il reste 17 hommes à bord. Sous l'effet de la houle, le navire menace à tout moment de se casser en deux.
Un marin oléronais qui a l'habitude des caprices de l'océan en cet endroit particulièrement redoutable, parvient à venir en aide aux malheureux.
L'histoire ne dit pas comment il fit.
Ce qui est sûr, c'est que les 17 hommes furent sauvés.
A peine le dernier rescapé avait-il foulé le sable de la plage que l'André-Félix se brisait en deux morceaux avant d'être peu à peu démembré par la violence des flots.
La proue rejetée sur le rivage fut récupérée et offerte en ex-voto à l'église par le capitaine Thore.
Thomas Russy, l'héroïque sauveteur fut récompensé de sa bravoure. Il reçut la médaille d'or du sauvetage, la Légion d'Honneur et.... une paire de jumelles! Sans doute pour guetter le prochain navire en difficulté et lui venir en aide!
Une place de Saint-Trojan porte aujourd'hui son nom.
16 ans plus tard, le 2 novembre 1863, un autre navire connaît la même mésaventure. Il porte le nom d'une des trois vertus théologales : L'Espérance.
C'est un fier trois-mâts parti de Toulon avec une cargaison de tonneaux de vin (et de jus de citron !).
Il se dirige vers Rochefort où comme chacun sait les demoiselles aiment le bon vin (et moins le citron).
C'est devant la plage du Peux Vert (aujourd'hui la Giraudière au Grand Village) que le bâtiment se disloqua, projetant à la mer les huit hommes qui le manoeuvraient.
Quatre hommes d'équipage se noyèrent. Deux autres ainsi que le capitaine Allard et son second Levilain parvinrent à gagner le rivage.
Le capitaine qui avait placé son bateau sous la protection de Notre-Dame du Bon Secours de Rouen, fut persuadé qu'il s'agissait d'un miracle.
Il offrit en ex-voto la proue de l'Espérance à l'église de Saint-Trojan.
Les deux proues sont aujourd'hui classées aux Monuments Historiques.
On ignore le nom des sculpteurs qui les réalisèrent.
Elles veillent de part et d'autre de l'église et remercient le Ciel pour tous les rescapés des centaines de naufrages dont Maumusson a été témoin.
Les Grecs craignaient le détroit de Messine où Charybde et Scylla prélevaient leurs proies. Oléron craignait son pertuis dont un vieux proverbe charentais, sous forme de prière, tentait d'exorciser les maléfices :
"Gardez-nous Seigneur, du chant de la sirène, de la queue de la baleine, et du trou de Maumusson!"
Eglise de Saint-Trojan; Omer Charlet. La vierge des Tempêtes. Détail. La main de la Vierge montre le salut qui approche.
Liens : les naufrages au large d'Oléron
Naufrage du Port-Caledonia. Antioche