Il est suspendu entre terre et ciel, immense dans l'église Santa Croce pour laquelle il a été peint par Cimabue en 1287.
Par malchance, peu de temps avant la catastrophe du 4 novembre 1966, il a été transporté dans le musée où il fut recouvert par les eaux boueuses de l'Arno qui inondèrent la Florence historique, détruisant ou endommageant gravement des milliers d'oeuvres inestimables.
En une journée le Crucifix de Cimabue subit des dégradations que sept siècles lui avaient épargnées!
Pendant dix ans des artistes travaillèrent à sa restauration. Ils n'essayèrent pas de reconstituer les parties disparues. Ils fixèrent grain à grain les pigments de couleur qui se détachaient. Là où la toile collée sur le bois avait été délavée, ils appliquèrent une peinture dont la teinte en harmonie avec les surfaces sauvegardées respectait l'oeuvre sans la brutaliser.
... Le Christ est de nouveau exposé aux regards dans sa gloire et sa misère...
Il est à la fois le Christ glorieux des icônes byzantines et le Christ outragé de Grünewald qui porte imprimé dans sa chair les maladies humaines...
Est-ce la raideur de la mort qui le détache de la croix?
Est-ce la légèreté qui déjà le décloue et le projette en avant comme un danseur?
Ses yeux sont clos comme sont clos les yeux de Bouddha endormi
La paupière baissée n'est pas frontière entre les deux réalités
Les mains sont ouvertes
Le corps du crucifié ne tire pas sur elles
Elles se détachent sur un fond de ciel
Elles donnent ce que l'homme a de plus précieux
Elles donnent le sang
Qui est la vie
Marie et jean
Présents et douloureux
Ont les yeux ouverts
Ils nous regardent
Ils nous invitent à venir à leur côté
Image humaine de dieu
Image divine de l'homme
Le Christ de Cimabue sauvé des eaux
A pour toujours le visage menacé par l'oubli
Des morts que nous aimons