C'était un beau jardin parisien apprécié de tous les habitants du quartier et des touristes.
Il a subi deux catastrophes dont il s'est mal remis et qui ont fait de lui un jardin à moitié pelé, avec arbres chétifs et bac à sable douteux!
Avant sa création, il y avait à son emplacement et à celui du lycée Jacques Decour 37 000m2 occupés par une 'tuerie"
C'est à dire des abattoirs, lieux sinistres entre tous, créés par décret de Napoléon (grand expert en tueries) en 1810.
Les abattoirs de Montmartre, dits de Rochechouart étaient les plus importants des cinq construits à Paris pour des raisons d'hygiène et centraliser les innombrables annexes douteuses des boucheries.
Ils emplirent leur fonction jusqu'en 1867 quand furent construits les immenses abattoirs de la Villette.
Aujourd'hui la Cité des Sciences et de l'Industrie les a remplacés et les usines à tuer ont déménagé loin des villes pour que les cris d'agonie des animaux ne viennent plus troubler la tranquillité des citadins.
La plus grande partie des terrains libérés est utilisée pour la construction d'un de ces établissements-casernes caractéristiques de l'époque : le collège Rollin, aujourd'hui lycée jacques Decour..
C'est en 1877 que le square est aménagé par l'architecte Camille Formigé à qui on doit entre autres les serres d'Auteuil classées monument historique.
Il conçut également les plans du jardin qui devait s'étendre en pente devant le sacré- Coeur.
Sur le périmètre restant après la construction du collège, environ 4000 m2 (la rue d'Anvers sera annexée en 2000, portant la superficie à 4 600 m2) Camille Formigé dessine son jardin en humaniste soucieux d'offrir aux habitants un espace harmonieux composé de nature et d'art.
Des arbres sont plantés en double rangée, des platanes essentiellement, tandis qu'au centre une pelouse ouvre l'espace. A chaque extrémité un socle de pierre porte une statue de bronze.
La statue côté nord rend hommage à Sedaine.
Sedaine (1719-1797) est un dramaturge populaire connu pour ses livrets d'opéras comiques. Il était très proche des Encyclopédistes, notamment de Diderot dont la statue était érigée côté sud.
Diderot trônait donc, tourné vers le sud, jusqu'à ce que le Gouvernement de Vichy, grand amateur d'art, ordonnât par un décret de 1941 de déboulonner et de fondre plus de 70 statues parisiennes parmi lesquelles celles du square d'Anvers.
Il est vrai que le siècle des Lumières indisposait les Nazis et Vichy aux ordres de ces derniers.
Léon Lecointe (1826-1913) est l'auteur de ces statues sacrifiées. Ce sont ses oeuvres les plus célèbres!
Il ne nous laisse donc modestement pour sa gloire que des "souvenirs" de statues.
Lors de sa création, le square reçoit le nom qui est le sien et celui de la place avec ses deux rues dont l'une, le long du Collège Rollin lui sera annexée plus tard.
Ce n'est pas par amour pour la Flandre qu'Anvers est choisi mais parce que cette ville fut le lieu d'une victoire française! En 1832 le corps expéditionnaire français envoyé dans la Belgique en ébullition et en révolution se heurta à une garnison hollandaise stationnée dans la citadelle d'Anvers. Il fit le siège de la ville, bombarda des quartiers où se terraient les civils et offrit la ville aux Belges.
Un monument fut érigé pour célèbrer les soldats français tombés pendant le siège mais la Ville d'Anvers n'en voulut pas et l'envoya à Tournai!
Il y avait encore, pour célébrer l'événement, une colonne dite de "La Paix armée". La statue qu'elle portait a été fondue comme les autres pendant l'occupation mais le modèle en ayant été conservé elle a été refaite et installée en 1986 sur la colonne de Jules Coutan, loin de Montmartre, au parc Montsouris.
Jules Coutan (1848-1939) n'a pas eu de chance avec Vichy puisque sa Porteuse de pain du square St Jacques a subi le même sort que La Paix armée, Diderot et Sedaine, néanmoins les Parisiens peuvent voir plusieurs de ses oeuvres rescapées (pont Bir Hakeim, Orsay, Pont Alexandre III) et les New-Yorkais peuvent lever les yeux sur "The Glory of Commerce" qu'il réalisa pour Grand Central Terminal!
Viennent les glorieuses années 1970!
Rappelons-nous sous le règne de Pompidou l'esthète, l'agrégé délicat, les saccages que subit alors notre ville!
Destruction des Halles de Baltard... Transformation des voies sur berges en autoroute pour "adapter la ville à la voiture (diesel bien entendu)... Destruction du Palais de marbre rose de l'avenue Foch... Destruction du cirque Médrano sur le boulevard Rochechouart...etc...etc...etc
Le square d'Anvers n'échappa point à ce vandalisme!
On sacrifia le kiosque à musique,on abattit les arbres centenaires, on creusa un parking pour film d'épouvante, on calma la révolte populaire en replantant des arbrisseaux qui au-dessus de la dalle de ciment restèrent chétifs!
Les riverains tentèrent en vain de s'opposer à l'abattage des arbres. Certaines mères de famille se juchèrent dans les branches.
En vain! On n'arrête pas le progrès!
Le square fut recomposé et découpé en petits espaces clos, pour les enfants. Une cage genre grillages pour les parcs zoologiques servit de terrain de Basket.
Surprise! un kiosque réapparut! C'est le seul bonheur que connut le pauvre square qui ressemble aujourd'hui aux petits espaces rapés et compartimentés que l'on aménage dans les cités.
Aujourd'hui il ne reste ni statue, ni colonne, ni velléité d'oeuvre d'art dans le square saucissonné.
Le parking a imposé sa loi et aucun architecte d'aujourd'hui n'a su remplacer Formigé. Autres temps autres moeurs!
Côté est, l'alignement d'immeubles fin de siècle a pour adresse "Place d'Anvers". Nous n'en retiendrons que trois qui ont un peu compter dans la vie montmartroise: le 12, le 2 et de l'autre côté de la rue Gérando l'immeuble qui fait face au 2.
Commençons par le 12, le Café des Oiseaux.
C'est là que Breton situe une des scènes de l'Amour Fou. Il rencontre Jacqueline Lamba dans un café de la place Blanche. C'est elle qui lui donne rendez-vous à minuit au Café des Oiseaux...
La jeune femme et Breton parlent pendant deux heures avant de quitter le café et déambuler ensemble dans les rues nocturnes de Paris. .
On voit ici le square et la rue de Dunkerque. Le café des Oiseaux apparaît tel que l'a connu Breton.
Autre numéro qui eut sa gloire, le 12. Il y eut à cette adresse un restaurant de renom, "Les Ducs de Bourgogne". Jean Moulin l'appréciait et avant lui Courteline qui y vint souvent pour y écrire après s'être empli la panse comme il le faisait avec plus de régularité à l'Auberge du Clou non loin de là, sur l'avenue Trudaine.
Il fréquenta également face au n°2 la Brasserie Trudaine où il jouait à la manille. Le café a changé de nom et l'on n'y joue plus à la manille! C'est le Grand comptoir d'Anvers!
Un établissement un peu tristouille qui aurait bien besoin d'un Courteline de notre temps pour l'égayer!
Avant de quitter le square d'Anvers, un petit coup d'oeil sur son environnement...
Le métro "Anvers" connu des touristes et des pickpockets!
...Le fronton enfin restauré de l'Elysée Montmartre...
Le lycée Jacque Decour...
La rue Briquet...
...et quelques images du passé...
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