Que Gustave Moreau soit enterré à quelques centaines de mètres de sa maison de la rue La Rochefoucauld n'étonnera personne.
Que sa tombe étroite soit dépouillée à ce point surprendra les amoureux du peintre qui auraient rêvé pour lui d'un temple hindou composite, avec des mosaïques byzantines, des colonnes de porphyre, des vitraux aux reflets or et pourpre...
La tombe modeste est mal entretenue.
La mousse mange les lettres gravées dans la pierre.
C'était avant la mort du peintre une simple pierre sous laquelle son père et sa mère avaient été couchés.
Elle est située dans un endroit reculé du cimetière, 22ème division, au bord d'une allée étroite que les chats apprécient pour sa tranquillité,
L'inscription la plus ancienne rappelle le nom de Louis Jean Marie Moreau (1730-1794) père du peintre, architecte d'un certain renom qui fut en charge de la conservation des Monuments Publics de la ville.
Il construisit en 1849 sur le Rond-Point des Champs Elysées l'hôtel particulier de Madame Lehon.
Le bâtiment fut transformé en 1896 dans le style Louis XV alors à la mode.
La deuxième inscription est celle de la mère du peintre, le grand amour de sa vie, Pauline Desmoutier (1802-1884) fille d'un ancien maire de Douai.
Etrangement Camille, la soeur du peintre, morte alors qu'il était adolescent n'a pas sa place dans le caveau.
Sur la pierre les lettres entrelacées rappellent les initiales de Louis et Pauline Desmoutier.
Moreau ne se remettra jamais de la mort de sa mère survenue trente ans après celle de son grand ami, le peintre Chassériau avec qui il avait vécu avenue Frochot.
Après la mort de son ami, Gustave Moreau vécut avec sa mère dans l'hôtel de la rue de La Rochefoucauld que ses parents lui avaient acheté. Quand sa mère devint sourde, il prit l'habitude de communiquer avec elle en écrivant sur des papiers ses pensées et ses réflexions.
Nul doute que l'influence de cette mère aimante à l'excès eut des conséquences sur la vie sentimentale de son fils.
Il eut cependant une confidente, "sa meilleure et unique amie" comme il l'appelait. Il s'agit d'Alexandrine Dureux.
Quand elle meurt en 1890, il peint pour elle "'Orphée sur la tombe d'Eurydice" où il donne au poète ses propres traits au moment où il s'abandonne à la douleur près de la tombe de sa bien-aimée.
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Après avoir peint cette toile crépusculaire il ne reste au peintre que huit années de vie...
En 1896 après avoir fait agrandir sa maison, il passe des journées avec son ami et légataire universel Henri Rupp à organiser les salles du futur musée qu'il entend léguer à l'Etat. Il est aidé par ses élèves parmi lesquels Rouault et Delobre.
Il fait plusieurs dessins d'une toile qui restera à l'état d'ébauche : "Les lyres mortes"
Souffrant de l'estomac et se sachant condamné, il fait des croquis de sa tombe à l'emplacement de celle qui abrite ses parents. Il complète la simple pierre par la colonne surmontée d'une urne.
Il fait le même dessin pour la tombe de son amie Alexandrine Dureux.
La tombe modeste que nous voyons aujourd'hui est donc telle que l'a voulue Gustave Moreau, bien différente des chapelles funéraires et des monuments imposants des gloires de son temps.
L'urne de pierre domine la tombe
Le coeur du peintre n'y est pas
C'est en regardant ses oeuvres si souvent hantée par le destin tragique et par la mort, qu'on peut l'entendre battre.
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