J'ai consacré un article à ce grand artiste de Montmartre. Il fait partie de l'histoire de la Butte et il est juste de rappeler son talent, sa force et son pessimisme grinçant.
Il a fait l'objet d'une belle exposition cet été, initiée par le musée Rops de Namur, à l'Isle Adam. J'en parlerai et je proposerai une étude de son fameux Parce Domine.
Cela dit, cet homme avait un cancer : l'antisémitisme. Il a à sa manière et comme tant d'autres préparé les esprits à l'innommable qui allait survenir une douzaine d'années après sa mort.
De retour de vacances, je lis dans un magazine que j'apprécie habituellement et qui est distribué dans toutes les boites à lettres montmartroises, un article qui rend compte de l'exposition et qui croit bon de commencer par ces mots :
"(Willette) stupidement rayé de son square montmartrois par des abrutis incultes"
J'imagine que ces abrutis incultes et stupides sont les membres du conseil municipal, Delanoë en tête qui s'avisèrent en 2004 de débaptiser le square Willette pour lui donner le nom de Louise Michel qui fut institutrice à Montmartre, y lutta pendant la Commune, y revint après sa déportation.
Ces abrutis incultes ont eu le tort de lire les papiers antisémites ignobles de Willette et de regarder ses caricatures infamantes. L'auteur du papier reconnaît du bout de la plume : "les insupportables délires antisémites de jeunesse" de notre Adolphe Willette. Mais apparemment, comme dirait Chirac, ça lui en touche une sans faire bouger l'autre. Jeunesse? Quel âge avait Willette quand il se présenta sur une liste électorale en 1889, avec un programme qui n'avait qu'un objectif : chasser les Juifs de France? Il était de la première jeunesse! Il était dans sa trente-quatrième année!
Faut-il rappeler ici les phrases de Willette? Faut-il montrer ses dessins?
N'y a t-il pas eu depuis un détail de l'histoire qui s'appelle la Shoah?
Céline qui était un autrement grand écrivain que Willette n'est un grand dessinateur n'a pas sa rue à Montmartre où il a vécu. Il n'a de plaque commémorative ni rue Girardon ni rue Lepic et c'est normal. Il habitait son perchoir de la rue Girardon et écrivait ses torchons antisémites alors que la police française arrêtait au bas de son immeuble des Montmartrois étoilés de jaune.
Les stupides abrutis incultes comme moi, grand admirateur de l'écrivain, trouvent cette absence tout à fait normale, comme ils approuvent que Louise Michel ait bouté Willette hors du square.
Les stupides abrutis incultes se garderont d'employer envers l'auteur de cet article des termes aussi excessifs et méprisants. Ils souhaiteront comme moi que Montmartre à la Une soit plus vigilant sur le contenu de ses pages qui risque de heurter nos compatriotes Juifs de Montmartre ou ceux qui ne le sont pas mais sont effrayés par la renaissance des Monstres.