En ce début d'année pas de plus belle carte de voeux que cette affiche rencontrée rue Francoeur. Je la dédie à tous ceux que j'aime, la plupart un peu cabossés, un peu blessés et qui mettent des étoiles dans mes nuits.
Il y a à Montmartre, chez moi, tout un petit peuple venu d'Asie que j'aimerais vous présenter aujourd'hui. Ce sont des marionnettes encore vibrantes des représentations qu'elles ont données et qui comme tous les immigrés de Paris gardent en elles leur monde de couleurs, de senteurs et de bruits.
Ces trois là ne savent trop quelle pièce jouer ensemble. Le prince birman, la paysanne indonésienne et Alexandre le Grand en personne.
Lui, c'est le plus beau et il fait des ravages parmi les belles qui l'environnent. Il est prince de Thaïlande, porte tiare et costume marqueté de miroirs. Son visage est pourtant celui de ces jeunes que vous rencontrerez dans les rue de Bangkok, la même vie et la même douceur.
Elle, c'est ma première, mon premier amour de marionnette. Je l'ai rencontrée à Paris, il y a longtemps déjà. J'ignorais alors tout de l'Asie. Je ne savais pas qu'un jour j'aimerais à ce point cette région du monde. La dame était jetée sur le sol parmi de vieux débris de meubles et de vaisselle. Elle était à vendre dans une brocante minable où je l'ai ramassée pour lui rendre son statut de Grande Dame.
Une coiffure baroque pour cette longue dame au visage concentré. Je ne sais pourquoi elle me fait penser à une fourmi. Autour d'elle d'autre dames vont et viennent, loin de leur Indonésie natale. C'est au Vietnam cependant que j'ai été frappé par la sveltesse, l'élégance, la noblesse des femmes. Vous les voyez marcher dans les rues avec leur longue tunique fendue ou filer comme des amazones sur leurs vélos. Quand je vais dans les hôtels touristiques dans ces pays, je suis frappé par le contraste entre la foule des occidentaux, souvent négligés, en shorts approximatifs, en chemisettes bariolées, ventre en avant, cul en arrière et le peuple de seigneurs qui les servent, nettoient leurs assiettes et font leur lit.
Lui c'est Ganesh. En marionnette il est plutôt rare. C'est le plus sympa du panthéon hindouiste. En Inde il est présent partout, dans toutes les maisons et avec lui on oublierait que l'hindouisme aussi, comme bien des religions est capable d'intolérance et de violence. La marionnette est rare avec ses quatre bras et comme il se doit pour Ganesh, l'arrière de la tête en démon.
Mon royaume pour un cheval !
Madame vient du Rajasthan, le pays des couleurs. On nous parle de la misère de l'Inde, misère encore bien réelle en certains endroits mais comment comprendre que malgré la difficulté de vivre les femmes y aient une telle allure? Les saris de soie vive, les bracelets miroitants, les sourires... Quand vous touchez aux ailes des papillons, la poussière d'or ou de bleu restent sur vos doigts. C'est dans vos yeux qu'elle scintille quand vous revenez du Rajasthan.
Un peu secrète, un peu triste avec son tambourin bien vissé sur la tête...
Tous ceux qui sont allés à Hanoï connaissent ces petites créatures vendues aux touriste au théâtre des marionnettes sur eau. c'est un spectacle inoubliable, féérique et poétique qui mêle l'eau et le feu. Ces deux là, très banales, ne le sont pas pour moi et pour Nicole. Nous avions un guide exceptionnel, un homme très doux, très érudit et plein d'humour. Il nous a offert ces marionnettes avant de nous dire qu'il était désolé de nous quitter car il venait d'apprendre que sa mère avait été victime d'une crise cardiaque.
Lui c'est un gros chinois souriant. A tort, je suis moins attiré par la Chine. peut-être à cause de reportages sur l'écorchage des chiens vivants ou sur la préparation culinaire de chats et chiens. C'est idiot car de notre côté nous sommes assez doués pour torturer la gent animale prétendue inférieure. Mais c'est promis, après les jeux olympiques qui me font horreur, je ferai un effort.
Bon il faut se faire une raison, vous risqueriez de vous lasser si je vous présentais tous mes hôtes. Je vais donc terminer avec celui là qui n'a rien d'asiatique et qui faisait partie d'un jazz band. Il a peut-être, dans les années 20 été victime du regard "banania" que l'on pouvait porter sur lui mais aujourd'hui il n'y pense plus. Il vit la belle vie sur ses coussins et c'est lui qui après avoir posé son trombonne vous souhaite une belle année .
Quatre ans après cet article je reçois des commentaires qui permettent à l'ignorant que je suis de se cultiver un peu dans la connaissance des marionnettes.
Ainsi me suis-je trompé sur mon gros Chinois qui est Birman. Papet m'apprend que l'on peut vérifier en soulevant sa jupe, ce que je n'avais jamais osé faire! S'il a un sexe sculpté, il est Birman!
... Et depuis cet article, quelques marionnettes vraiment chinoises sont venues s'ajouter à la petite bande!