Le tableau de David est si connu que l'on cherche malgré soi dans le cimetière Montmartre une statue de longue femme pâle allongée, pieds nus, sur un sofa de marbre....
Déception! Madame Récamier ne nous attend pas, tournée vers nous, un léger sourire accueillant sur les lèvres.
Il faut chercher sa tombe dans la 30ème division, entre d'autres tombes serrées comme des livres dans une bibliothèque!
C'est un caveau modeste devant lequel peu de visiteurs s'arrêtent.
Madame Récamier. François Gérard (1805)
... Et pourtant elle fut sans doute une des femmes les plus célèbres de son temps...
On la voit ici peinte par Gérard qui fréquentait son salon. Il paraît que David apprenant que ce concurrent avait reçu commande, abandonna sa toile dont il laissa le décor inachevé (lui conférant ainsi son étrangeté!)
Madame de Stael (Girodet)
Dites moi qui sont vos amis je vous dirai qui vous êtes!
Les amis de Juliette Récamier faisaient partie des esprits les plus créatifs, les plus talentueux de leur temps! A commencer par Mme de Staël, fidèle entre les fidèles, exilée en même temps qu'elle par Bonaparte en voie de tyrannisation, Chateaubriand, Benjamin Constant, Gérard, Victor Cousin, Edgar Quinet, Tocqueville, Lamartine, Balzac, Talma, Rachel...
François-René de Chateaubriand
S'il fallait en retenir deux ce seraient Germaine de Staël et Chateaubriand. C'est d'ailleurs chez Madame de Staël qu'elle fit la connaissance de René en 1801.
Chateaubriand décrit sa première vision de Juliette : "Une robe blanche sur un sofa bleu..."
Leur relation dura plus de trente ans.
Juliette avoue à une de ses amies "Il était impossible à une tête d'être plus complétement tournée que l'était la mienne du fait de Chateaubriand. Je pleurai tout le jour."
Canova
Opposée à l'Empire Juliettechoisit l'exil en 1811. C'est à Rome qu'elle rencontra Canova qui ,séduit comme tant d'autres, rendit hommage à la belle en donnant ses traits à la Béatrice de Dante.
Elle retourna à Rome en 1823 pour fuir Chateaubriand dont la liaison passionnée avec Cordélia bruissait dans tout Paris. Elle revint à Paris après avoir reçu des lettres enflammées de René qui avait été abandonné par sa Cordélia.
Leur amitié resta profonde même si avec le temps Juliette porta un nouveau regard sur son grand homme : "Il me dit les mêmes choses qu'autrefois mais je ne les reçois plus et grâce à Dieu j'ai d'autres pensées."
Chambre de Juliette Récamier à l'Abbaye aux Bois
Le salon de Madame Récamier restait un épicentre de la vie intellectuelle et artistique. Il l'était avant l'exil, le redevint après la chute de l'Empire et le resta quand après la ruine de son mari le banquier Jacques Rose Récamier, elle se réfugia dans un appartement de l'Abbaye aux Bois où elle reçut encore pendant une vingtaine d'années quelques unes des gloires de son temps.
Sous son nom est gravé sur la pierre tombale celui de son mari Jacques Rose Récamier (1751-1830).
Portrait présumé de Jacques Rose Récamier (Thierry Maigret)
Le banquier avait épousé Juliette en 1793 alors qu'elle avait 15 ans et lui 42. Cet ami de la famille aurait été son père naturel et il aurait voulu mettre sa fille à l'abri du besoin en lui offrant sa fortune. Le fait est que leur relation platonique et tendre à la fois faisait d'eux un couple hors normes, un Père Goriot qui aurait épousé Madame de Nucingen et qui aurait été flatté de voir sa fille courtisée et aimée par de nombreux soupirants...
Viennent ensuite sur la pierre le nom de ses parents: son père Jean Bernard mort en 1829, notaire royal, emprisonné sous le Consulat pour son engagement royaliste et libéré grâce à sa fille qui fit intervenir Bernadotte, sa mère Marie Julie Matton morte en 1807.
Un dernier nom apparaît sur la pierre tombale, celui de Pierre Simon Ballanche (1776-1847) "son ami".
Cet écrivain "théosophe" est bien oublié aujourd'hui. Il était à la fois antimilitariste, anticlérical et profondément attaché à la figure du Christ. Sa lecture de l'histoire et notament de la période révolutionnaire vue comme une expiation plaisaient à Madame Récamier qui était également séduite par sa gentillesse et sa timidité.
On devine cependant qu'un autre nom que celui de Ballanche aurait été désiré par Juliette, un nom trop grand pour être gravé sur une modeste pierre tombale du cimetière de Montmartre et qui ne pouvait être écrit que sur le granit face aux tempêtes!
Tombeau de Chateaubriand
Chateaubriand est mort en 1848 moins d'un an avant son amie.
En 1849 Juliette quitta l'Abbaye aux Dames pour s'éloigner du quartier de Sèvres où l'épidémie de choléra se montrait particulièrement virulente. Elle se réfugia chez sa petite nièce, rue des Petits-Champs. C'est là que la maladie la rattrapa et provoqua sa mort le 11 mai. Elle était alors âgée de 72 ans et si l'on en croit ceux qui fréquentaient son salon, toujours charmante et spirituelle.
On aimerait lire sur la pierre ces quelques mots de Chateaubriand :
"On tombe d'amour à ses pieds et l'on y reste enchaîné par le respect"
.....................................................................................................................................................................................
Liens :
Cimetière Montmartre. Classement alphabétique. Calvaire et Saint-Vincent.
Rues de Montmartre. Classement alphabétique.
Listes des liens des monuments et lieux typiques de Montmartre historique et moderne.
Liste et liens: Peintres et personnages de Montmartre. Classement alphabetique.
...................................................................................................................................................................................